Ô temps, suspends ton vol! Perceptions et émotions …

Alors qu’habituellement je cours après le temps, force est de constater que depuis 3 semaines pour moi le temps se fait long, s’étire parfois à n’en plus finir. 

Est-ce que l’unité du temps a changé ? Non évidemment : les journées comptent toujours 24H. C’est ma perception du temps qui passe et la manière dont je l’occupe qui a changé.

Le temps, un sujet largement débattu en philosophie.  

Certains philosophes comme Aristote parlent d’un rapport au temps cosmologique : le temps comme mesure des phénomènes physiques. Une journée, c’est le temps que la Terre met à tourner sur elle-même. Une année, c’est le temps que la Terre met pour tourner autour du Soleil. Nous concevons le temps à partir du mouvement et des changements, nous le percevons à partir de l’espace.

Pour Bergson il peut être appréhendé de deux manières :

  • Par la technique : c’est le temps objectif, celui de nos montres qui donne une mesure commune du temps 
  • Par la conscience : c’est le temps subjectif, celui de nos représentations, de nos pensées, donc un temps très personnel

Nous y voilà, c’est bien du temps subjectif dont il est question. 

Il est des secondes qui semblent durer des heures et des heures qui filent comme des secondes…

Si je m’ennuie, si je ne trouve pas d’intérêt à ce que je fais, je trouve le temps long. Si je m’amuse, si je passe un moment agréable, si ce que je fais m’intéresse, le temps file à toute vitesse. 

Notre perception du temps est fonction de nos émotions. 

Et puisque nous percevons le temps à partir de l’espace, lorsque l’espace se restreint, le temps se dilate jusqu’à nous faire perdre même la notion du temps.

Regardons à présent notre manière d’occuper notre temps.

Qui n’a jamais ressenti dans le cadre professionnel ce sentiment de ne pas avoir le temps de faire ce qu’il a à faire ou ce qu’il a envie de faire ? C’est la première difficulté qu’expriment les managers dans les séminaires que j’anime : ne pas avoir le temps de manager. Car nous vivons dans une époque où le temps s’accélère, où dominent la vitesse et le besoin d’immédiateté. Pour y faire face, nous nous affairons dans une course effrénée. Nous remplissons notre temps dans une fuite en avant car nous avons peur du vide. Nous regardons le temps à l’aune du mouvement produit : le passé (ce qui a été réalisé) et le futur (l’action que nous allons mener, les objectifs que nous voulons atteindre).

Or pour celles et ceux dont l’activité professionnelle a fortement diminué, cette période de confinement amène un paradoxe : il s’agit maintenant de choisir comment occuper son temps. En se penchant sur toutes ces tâches, ces projets remis à plus tard « faute de temps ». En prenant désormais le temps des choses simples, des plaisirs du quotidien : lire, écrire, cuisiner, jouer avec ses enfants. Réfléchir à ce que nous avons envie de faire, d’être. Réinventer notre activité, innover. 

D’autres à contrario vivent une accélération du temps et mènent une course contre la montre pour gérer les urgences, pour sauver des vies…

Cette période atypique que nous vivons nous force à faire une pause, à regarder le temps présent. A prendre ce temps de recul pour réenvisager nos priorités. Et nous interroge sur ce qui nous est essentiel, sur ce que nous voulons faire de notre temps de vie

C’est aussi pour moi un changement de paradigme :  ne plus chercher à savoir comment occuper son temps mais être là, au présent et vivre. Une sorte de réhabilitation du vide et du ralentissement. Car du vide naît aussi la créativité : je n’ai jamais été autant inspirée qu’en cette période et j’ai renoué avec le plaisir d’écrire !

Et vous, que vous quel est votre rapport au temps ?

Auteur de l’article : Aline Motechic